— Al otro lado del rio, dit Arthur, hay rojos que son amigos nuestros. De l’autre côté de la rivière, il y a des Rouges qui sont nos amis.

— Sus amigos no son nuestros, répondit l’homme. Tes amis ne sont pas les nôtres. »

Un autre homme assez proche pour les entendre opina.

« Yya no puedo nadar. Et de toute façon je ne sais pas nager.

— Los blancos, que van a hacer ? Que vont faire les Blancs ?

— Piensan en ser conquistadores. (Apparemment, ces hommes ne croyaient pas beaucoup au plan de leurs maîtres.) Los Mexicos oan a corner sus corazones. Les Mexica vont leur manger le cœur. »

Un autre homme entra dans la conversation.

« Tu hablas como cubano. Tu parles comme un Cubain.

— Soy americano. Soy libre. Soy… (Il n’avait pas appris le mot pour “citoyen”.) Soy igual. Je suis égal. »

Mais pas vraiment, se dit-il. Enfin, je suis plus égal que vous.

Plusieurs des Noirs mexica reniflèrent à ces mots.

« Ya hé visto, tu dueño. »

Arthur ne comprit que « dueño », propriétaire.

« Es amigo, no dueño. C’est mon ami, pas mon maître. »

Oh, ils trouvèrent cela désopilant. Bien sûr, leur rire était silencieux, et quelques-uns regardèrent le garde, qui somnolait appuyé contre le mur.

« Me de promessa. Promettez-moi. Cuando el ferro quiebra, no se maten. No salguen sin ayuda. Quand le fer se brisera, ne vous tuez pas. (À moins qu’il ait dit : “Vous faites pas tuer.”) De toute façon, ne partez pas sans aide. »

C’était ce qu’Arthur pensait dire. Ils le regardèrent avec une incompréhension totale.

« Voy quebrar el ferro », répéta Arthur.

L’un d’eux tendit les mains, goguenard.

Les chaînes cliquetèrent, et plusieurs regardèrent de nouveau le garde.

« No con la mano, expliqua Arthur. Con la cabeza. »

Ils échangèrent des regards déçus. Arthur savait ce qu’ils pensaient. Ce garçon est fou. Il croit pouvoir briser le fer avec sa tête. Mais il ne savait pas comment l’expliquer mieux que cela.

« Mañana. »

Ils opinèrent, profonds. Aucun ne le croyait.

Au temps pour les heures qu’il avait passées à apprendre l’espagnol. Enfin, le problème était peut-être qu’ils n’avaient jamais entendu parler de Faiserie, et n’imaginaient pas un homme briser le fer avec son esprit.

Arthur Stuart savait qu’il pouvait le faire. C’était l’une des premières leçons d’Alvin, mais ce n’était que sur ce voyage qu’Arthur avait fini par comprendre ce que son maître avait voulu dire. Sur la façon de rentrer dans le métal. Tout ce temps, Arthur pensait qu’il pouvait y arriver en se concentrant très fort. Mais ce n’était pas cela. C’était facile. Une sorte de détour dans son esprit. Un peu comme le langage fonctionnait pour lui. Sentir le goût de la langue dans sa bouche, puis se sentir à l’aise dans cette sensation. Comme le fait de savoir que même si « mano » se terminait en « o », il lui fallait « la » devant, et non « el ». Il savait simplement comment les choses devaient être.

À Carthage City, il avait donné un quarter à un homme qui vendait du pain doux, et l’homme avait essayé de ne pas lui rendre de monnaie. Au lieu de lui crier dessus – à quoi bon, là sur le quai, un demi-Noir qui crierait sur un Blanc ? – Arthur pensa à la pièce qu’il avait tenue dans sa main toute la matinée, à sa chaleur, et à la sensation qu’il avait en la tenant. C’était comme s’il comprenait son métal, de la même façon qu’il comprenait la musique du langage. Et à penser à sa chaleur, il voyait dans son esprit qu’elle s’échauffait.

Il l’encouragea, l’imagina devenir de plus en plus chaude, et d’un coup l’homme cria et commença à taper sur la poche où il avait rangé la pièce.

Qui le brûlait.

Il essaya de la sortir de sa poche, mais se brûla les doigts et finit par enlever son manteau, rabattre ses bretelles, et descendre son pantalon, devant tout le monde. Il le retourna pour faire tomber la pièce sur le trottoir, où elle grésilla et fit fumer le bois.

Puis l’homme s’occupa de la douleur sur sa jambe, là où la pièce l’avait brûlé. Arthur Stuart le rejoignit, imaginant que la pièce avait refroidi. Il la ramassa.

« Vous d’vriez m’donner ma monnaie, dit-il.

— Fiche-moi le camp, sale djab tout nègre, hurla l’homme. T’es un sorcier, voilà c’que t’es. Maudire la pièce d’un homme, c’est comme du vol !

— C’est très drôle, v’nant de quèqu’un qui voulait me faire payer vingt-cinq cents pour une miche à cinq cents. »

Plusieurs passants s’en mêlèrent.

« Alors, on essaie de garder l’argent du petit ?

— Il y a des lois contre ça, même s’il est noir.

— Voler à ceux qui ne peuvent pas se défendre…

— Remets ton pantalon, imbécile. »

Un peu plus tard, Arthur Stuart fit de la monnaie et essaya de payer l’homme, mais il ne voulait pas le laisser s’approcher.

Au moins j’ai essayé, se dit Arthur. Je ne suis pas un voleur.

Je suis un Faiseur.

Pas un grand Faiseur comme Alvin, mais bon sang, j’ai imaginé qu’ma pièce chauffait et elle a failli brûler un trou dans l’pantalon du gars.

Si je peux faire ça, alors je peux apprendre à tout faire, voilà ce qu’il pensait, et voilà pourquoi il se sentait si sûr de lui. Parce qu’il s’entraînait tous les jours, sur tous les métaux qu’il avait pu trouver. Ça ne servirait à rien de faire fondre les fers, bien sûr. Ces esclaves ne le remercieraient pas s’il leur brûlait les poignets et les chevilles pour les libérer.

Non, il comptait ramollir le fer sans le chauffer. C’était beaucoup plus dur que de le chauffer. Souvent, il se surprenait à faire un effort, à nouveau, à essayer de faire entrer la mollesse de force dans le métal. Mais quand il se détendait et sentait le métal dans sa tête, comme une chanson, il retrouvait bientôt l’astuce. Il ramollit sa propre boucle de ceinture à tel point qu’il pouvait la malaxer comme il voulait. Mais après quelques minutes, il se rendit compte qu’il voulait surtout en faire une boucle de ceinture, puisqu’il en avait encore besoin pour retenir son pantalon.

Le cuivre était plus facile que le fer, puisqu’il était déjà plus mou. Et Arthur Stuart n’était pas rapide. Il avait vu Alvin ramollir un canon de revolver pendant qu’on lui tirait dessus. Lui, il était rapide. Mais Arthur Stuart devait d’abord réfléchir. Vingt-cinq esclaves, chacun avec un lien au poignet et un autre à la cheville. Il devait s’assurer qu’ils attendraient tous que le dernier soit libre pour partir. S’il y en avait un seul pour détaler en avance, ils seraient tous capturés.

Bien sûr, il pourrait demander l’aide d’Alvin. Mais il se doutait déjà de sa réponse. Les laisser en esclavage, voilà ce qu’Alvin avait décidé. Et Arthur s’y refusait. Ces hommes étaient entre ses mains. Il était Faiseur, à présent, à sa manière, et il lui incombait de décider pour lui-même quand il était bon d’agir, et quand il était meilleur de ne rien faire. Il ne pouvait pas faire les mêmes choses qu’Alvin, guérir les gens, se faire obéir des animaux et transformer l’eau en cristal. Mais il pouvait ramollir le fer, bon sang, et il allait libérer ces hommes.

Demain soir.

 

*

 

Le lendemain matin, ils passèrent de l’Hio dans le Mizzippy, et, pour la première fois depuis des années, Alvin vit le brouillard de Tenskwa-Tawa sur la rivière.

On aurait cru avancer dans un mur. Le ciel était limpide, vide, et quand on regardait devant soi, ça n’était pas grand-chose, juste un peu de brume sur la rivière. Mais tout d’un coup, on ne voyait pas à plus de cent mètres, et encore, seulement si on remontait ou qu’on descendait la rivière. Si on voulait continuer vers la rive opposée, c’était comme devenir aveugle, on n’apercevait même plus l’avant du bateau. C’était la clôture que Tenskwa-Tawa avait érigée pour protéger les Rouges qui étaient partis vers l’Ouest après l’échec de la guerre de Ta-Kumsaw. Tous les Rouges qui ne voulaient pas vivre sous le joug de l’homme blanc, tous les Rouges qui en avaient assez de la guerre, avaient traversé l’eau pour aller à l’Ouest, puis Tenskwa-Tawa avait… refermé la porte.

Alvin avait entendu des histoires sur l’Ouest de la bouche de trappeurs qui y allaient, avant. Ils parlaient de montagnes si hérissées de pierres, si brutes et si hautes qu’elles portaient de la neige jusqu’en juin. D’endroits où le sol lui-même crachait l’eau à cinquante pieds de haut, ou plus. De troupeaux de bisons si grands qu’ils pouvaient défiler devant vous tout le jour et toute la nuit, et paraître encore aussi nombreux le lendemain. Des prairies et des déserts, des forêts de pins et des lacs comme des bijoux nichés dans des montagnes si hautes qu’on manquait d’air si l’on atteignait le sommet.

Et tout cela était devenu une terre rouge, où les Blancs ne poseraient plus jamais le pied. Voilà la raison d’être de ce brouillard.

À part Alvin. Il savait que si l’envie lui en prenait, il pouvait dissiper ce brouillard et traverser. Non seulement ça, mais il ne serait pas tué. Tenskwa-Tawa l’avait dit, et aucun homme rouge ne serait allé à l’encontre de la loi du Prophète.

Une partie de lui voulait accoster, attendre que le bateau reparte, puis se trouver un canot et traverser la rivière pour partir à la recherche de son vieil ami et mentor. Qu’il serait bon de lui parler de tout ce qui se passait dans le monde ! Des rumeurs de guerre imminente entre les États-Unis et les Colonies de la Couronne. Ou entre les États esclavagistes et les États libres des États-Unis. Des rumeurs de guerre avec l’Espagne pour contrôler l’embouchure du Mizzippy, ou de la guerre entre les Colonies de la Couronne et l’Angleterre.

Et maintenant, cette rumeur de guerre avec les Mexica. Qu’en penserait Tenskwa-Tawa ? Il avait peut-être aussi des problèmes de son côté. Il travaillait peut-être à l’heure actuelle à une alliance de Rouges pour descendre défendre leurs terres contre les hommes qui traînaient leurs prisonniers au sommet de leurs ziggourats pour arracher leur cœur afin d’apaiser leur dieu.

Quoi qu’il en soit, voilà ce qui passait par la tête d’Alvin tandis qu’il s’appuyait contre le bastingage à la droite du bateau… C’est-à-dire à tribord, bien qu’Alvin ne comprenne pas pourquoi les marins avaient besoin de mots différents pour gauche et droite. Il se tenait là, à regarder dans la brume sans voir plus qu’un autre homme, quand il remarqua quelque chose. Pas avec ses yeux, mais avec cette vision intérieure qui apercevait les flammes de vie.

Il y avait quelques hommes dans l’eau, au milieu, là où ils ne pouvaient pas distinguer le haut du bas. Ils tournaient en rond, effrayés. Il ne lui fallut qu’un instant pour comprendre. Deux hommes sur un radeau, si ce n’est qu’ils n’avaient rien mis sous le radeau, et avaient chargé l’avant plus que l’arrière. Ce n’étaient donc pas des navigateurs. Ce devait être un radeau de fortune et, faute d’adresse, ils n’avaient pas su maintenir le radeau face à l’aval. À la merci du courant, voilà, sans moyen de savoir ce qui se passait à cinq pieds d’eux.

Pourtant, le Yazoo Queen n’était pas silencieux. Mais le brouillard a une certaine façon de noyer les sons. Et même s’ils entendaient le bateau, reconnaîtraient-ils ce son ? Pour des hommes terrifiés, ç’aurait aussi bien pu être un monstre qui descendait la rivière.

Mais Alvin n’y pouvait rien, n’est-ce pas ? Il ne pouvait pas prétendre voir ce que personne n’aurait pu apercevoir. Et le cours de la rivière était trop fort et compliqué pour qu’il en prenne le contrôle, pour rapprocher l’embarcation.

Donc, il fallait mentir. Alvin se tourna et cria :

« Vous avez entendu ? Vous les avez vus ? Un radeau hors de contrôle sus la rivière ! Des hommes sus un radeau, qu’appelaient à l’aide et qui tournent en rond ! »

En un rien de temps, le pilote et le capitaine étaient tous les deux penchés sur le bastingage dans la cabine.

« Je ne vois rien, cria le pilote.

— Pus maintenant, mais j’les ai vus y a une seconde. Ils sont pas loin. »

Le capitaine Howard voyait le tournant que prenaient les choses, et il n’appréciait pas.

« Je ne ferai pas entrer le Yazoo Queen dans cette brume plus profondément que ça ! Non monsieur ! Ils vont s’échouer sur la rive en aval, ça ne nous regarde pas !

— La Loi de la rivière ! s’exclama Alvin. Des hommes en péril ! »

Le pilote resta pantois. C’était bien la loi. Il fallait porter secours.

« Je ne vois aucun homme en péril ! cria le capitaine Howard.

— Alors envoyez pas le gros bateau, dit Alvin. J’vais partir les chercher sus l’annexe. »

Le capitaine n’aimait pas ça non plus, mais le pilote était un homme bon, et bientôt Alvin était dans l’eau, les mains sur les rames.

Mais avant qu’il puisse s’éloigner, Arthur Stuart arriva, sauta par-dessus l’écart et s’étala dans le canot.

« Je t’ai jamais vu aussi maladroit, commenta Alvin.

— J’allais pas rater ça. »

Il y avait un autre homme au bastingage, qui criait dans sa direction.

« Soyez pas si pressé, monsieur Smith ! cria Jim Bowie. Deux hommes forts, ce sera mieux qu’un seul pour un travail pareil ! »

Puis lui aussi sauta. Avec élégance, pour un homme qui avait bien dix ans de plus qu’Alvin et vingt de plus qu’Arthur. Mais quand il atterrit, il n’y eut pas le moindre frémissement. Alvin se demanda quel pouvait être son talent. Il avait imaginé qu’il s’agissait de tuer, mais ce n’était peut-être qu’un à-côté. L’homme avait presque volé.

Ils étaient donc là, chacun à une rame, tandis qu’Arthur Stuart était assis à la proue, les yeux écarquillés.

« Où qu’y sont ? demandait-il sans cesse.

— Le courant a pu les emporter, répondit Alvin. Mais ils sont par icitte. »

Et quand Arthur commença à paraître plus que sceptique, Alvin le fixa avec un tel regard que le jeune homme finit par comprendre.

« Je crois que j’les vois, finit-il par dire pour accréditer le mensonge d’Alvin.

— Tu vas pas essayer de traverser c’te rivière pour nous faire tuer par les Rouges ? dit Jim Bowie.

— Non m’sieur, c’est pas mon intention. J’ai vu ces gars, comme je vous l’dis, et je veux pas d’leur mort sur ma conscience.

— Eh ben, où ils sont, maintenant ? »

Bien sûr, Alvin le savait, et il ramait vers eux de son mieux. Le problème, c’est que Jim Bowie ignorait où ils étaient, et il ramait aussi, mais pas exactement dans la même direction. Et puisqu’ils tournaient tous les deux le dos à la direction de l’annexe, Alvin ne pouvait même pas faire semblant de les voir. Il pouvait simplement essayer de ramer plus fort que Bowie pour les faire aller du bon côté.

Jusqu’à ce qu’Arthur roule les yeux et dise :

« Vous avez fini de faire semblant qu’vous vous croyez l’un l’autre, et vous allez ramer dans la bonne direction, maintenant ? »

Bowie rit. Alvin soupira.

« T’as rien vu, dit Bowie. Parce que je t’observais regarder dans la brume.

— Et c’est pour ça qu’vous êtes venu.

— Je voulais savoir ce que tu comptais faire avec ce bateau.

— Je veux sauver deux gars sus un radeau qui tourbillonne dans l’courant.

— Tu veux dire que c’est vrai ? »

Alvin opina, et Bowie rit de nouveau.

« Ah ben ça !

— C’est comme ça. Et donc, un peu plusse dans le courant, s’il vous plaît.

— Alors c’est quoi, ton talent ? insista Bowie. Voir dans la brume ?

— On dirait bien, non ?

— Je crois pas. Je pense qu’tu nous caches beaucoup de choses. »

Arthur Stuart regarda le corps massif d’Alvin des pieds à la tête.

« Pourtant, on en voit déjà beaucoup.

— Et toi, t’es pas un esclave », ajouta Bowie.

Personne ne rit à ces mots. Ça, c’était un savoir dangereux pour n’importe qui.

« Mais si, insista Arthur.

— Aucun esclave ne répondrait comme ça, idiot, déclara Bowie. T’as une si grande gueule, aucune chance qu’on t’ait fouetté un jour.

— Oh, quelle bonne idée que tu m’aies accompagné pour le voyage.

— T’inquiète pas, dit Bowie. Moi aussi j’ai des s’crets. J’peux bien garder le tien. »

Tu peux. Mais le feras-tu ?

« C’est pas un grand s’cret, assura Alvin. Je vais juste devoir le ramener dans le nord et redescendre sur un autre bateau.

— Tes bras et tes épaules montrent que t’es un vrai forgeron. Mais y a pas un seul forgeux qui pourrait voir un couteau dans l’fourreau et dire qu’c’était une râpe.

— J’suis bon.

— Alvin Smith. Tu d’vrais vraiment commencer à voyager sous un aut’ nom.

— Pourquoi ?

— T’es l’forgeux qu’a tué deux Pisteurs, y a une paire d’années.

— Des Pisteurs qui ont tué la mère de ma femme.

— Oh, aucun jury n’te condamnerait. Pas plus que moi j’ai été condamné pour çui qu’j’ai tué. M’est avis qu’on a beaucoup en commun.

— Moinse que tu penserais.

— Le même Alvin Smith qu’a pris à son maître un certain objet.

— C’est des menteries. Et il le sait.

— Oh, j’suis sûr. Mais c’est c’qu’on dit, à c’t’heure.

— Il ne faut pas croire ces histoires.

— Oh, je sais. Tu mollirais pas sur l’aviron, dis-moi ?

— Je suis pas sûr de vouloir rattraper le radeau pendant qu’on est en train d’causer d’tel.

— Je voulais juste te signaler, à ma façon bien calme, que je crois connaître c’que t’as dans ton paquetage. Un talent bien puissant qu’tu as, si c’qu’on dit est vrai.

— Qu’esse qu’on dit, que je peux voler ?

— Tu pourrais transformer le fer en or, y paraît.

— Ce serait bien, ça.

— Mais tu dis pas le contraire.

— Le fer, je peux en faire que des gonds et des fers à cheval.

— Maintenant. Mais tu l’as fait une fois, pourtant.

— Non, m’sieur. J’vous ai expliqué que ces histoires sont des menteries.

— J’te crois pas.

— Alors vous me traitez de menteur, m’sieur, dit Alvin.

— Oh, tu ne vas pas te vexer, quand même ? Parce que j’ai l’habitude de gagner tous mes duels. »

Alvin ne répondit rien, et Bowie regarda longuement Arthur Stuart.

« Ah. C’est comme ça.

— Quoi ? demanda Arthur Stuart.

— Toi, t’as pas peur de moi, répondit Bowie d’une voix encore plus gouailleuse que d’habitude.

— Mais si.

— T’as peur de c’que j’sais, mais t’as pas peur que j’tuye ton “maître” dans un duel.

— J’suis terrifié. »

Il n’y eut qu’une fraction de seconde, mais la rame de Bowie fut abandonnée, et son couteau sortit du fourreau pour se poser sur la gorge d’Alvin.

Mais ce n’était plus un couteau. Juste une poignée.

Le sourire quitta lentement le visage de Bowie quand il se rendit compte que son précieux couteau-fait-dans-une-râpe n’avait plus de fer.

« Qu’esse t’as fait ?

— Question amusante, dit Alvin, venant d’un homme qui voulait me tuer.

— Je voulais juste te faire peur, affirma Bowie. T’étais pas obligé de faire ça à mon couteau.

— J’ai pas le talent pour lire les intentions des genses, protesta Alvin. Maintenant, r’tourne-toi et rame. »

Bowie reprit son aviron.

« Ce couteau, c’était ma chance.

— M’est avis que t’as pus de chance, alors, commenta Alvin.

— Vous d’vriez faire plusse attention aux ceusses contre qui vous l’tirez, m’sieur Bowie, ajouta Arthur Stuart en secouant la tête.

— T’es l’homme qu’y nous faut, reprit Bowie. C’est tout c’que j’voulais dire. T’étais pas obligé de casser mon couteau.

— La prochaine fois qu’vous chercherez à r’cruter un homme, le menacez pas au couteau.

— Et menacez pas d’raconter ses s’crets. »

Et pour la première fois, Bowie parut plus inquiet que contrarié.

« Hé, j’ai jamais dit qu’j’connaissais tes s’crets. J’ai juste deviné, c’est tout.

— Eh bien, Arthur Stuart, m’sieur Bowie vient d’remarquer qu’il est au milieu d’la rivière, dans la brume, pour une dangereuse mission d’sauvetage, avec deux personnes dont il a menacé d’raconter les s’crets.

— Faut dire, ça fait réfléchir, reconnut Arthur Stuart.

— J’quitterai pas c’te barque sans m’battre, prévint Bowie.

— Je compte pas vous faire mal, assura Alvin. Parce qu’on est pas pareil, vous et moi. J’ai tué un homme, une fois, de rage et de chagrin, et je l’regrette encore.

— Moi aussi.

— C’est le moment l’pus fier de votre vie. Vous avez gardé l’arme, et vous dites qu’elle vous porte chance. On a rien de pareil.

— M’est avis qu’non, en effet.

— Et si je veux vous tuer, dit Alvin, je suis pas obligé de vous faire tomber à l’eau. »

Bowie opina. Puis il lâcha les avirons. Ses mains commencèrent à monter vers ses joues, sa bouche.

« On ne peut plus respirer, hein ? Personne vous étouffe, pourtant. Inspirez, expirez, vous faites ça depuis tout bébé. »

Bowie ne s’étranglait pas. Il n’arrivait simplement plus à se faire obéir de son corps.

Alvin ne continua pas jusqu’à ce que l’homme devienne bleu ou quoi que ce soit. Jusqu’à ce que Bowie se sente vraiment impuissant. Puis il se rappela comment respirer, tout d’un coup, et avala l’air.

« Maintenant qu’on sait qu’vous n’risquez rien d’ma part sur c’te barque, allons sauver les deux gars qui s’sont faits un radeau sans quille. »

Et à ce moment, le blanc du brouillard se transforma en bateau plat à moins de cinq pieds d’eux. Un autre coup de rame, et ils le percutèrent. Avant cela, les deux occupants du radeau n’avaient pas la moindre idée que quelqu’un approchait.

Arthur Stuart tirait la corde bâbord et sautait sur le radeau pour solidariser les deux embarcations.

« Le seigneur soit loué, dit le plus petit des deux hommes.

— Vous arrivez au bon moment, ajouta le grand en aidant Arthur à attacher la corde. On a un radeau bien peu fiable et, dans cette brume, on ne voyait pas vraiment le paysage. Un pauvre voyage, il faut le dire. »

Alvin rit.

« Content de voir que vous avez encore du cœur.

— Oh, on priait et on chantait des hymnes, pensez-vous.

— Bon sang, vous êtes vraiment grand, vous ! s’étonna Arthur Stuart quand l’homme se pencha sur lui.

— Oui, une tête de plus que mes épaules, mais pas assez grand pour mes fixe-chaussettes. »

Ça oui, il savait y faire. On ne pouvait pas s’empêcher de le trouver sympathique.

Ce qui éveilla tout de suite la méfiance d’Alvin. Si c’était ça, le talent de cet homme, alors on ne pouvait pas lui faire confiance. Et pourtant, le pire, c’était que même en se méfiant de lui on l’aimait bien.

« Vous êtes quoi, avocat ? » demanda Alvin.

Ils avaient amené le canot devant le radeau, pour pouvoir le remorquer en retournant au bateau.

L’homme se redressa de toute sa taille puis s’inclina, et Alvin n’avait jamais vu mouvement moins gracieux. Il était tout en genoux et en coudes, tout en angles, même sur son visage. Rien chez lui de doux, tout d’osseux. Aucun doute, il était laid. Des sourcils de singe, qui dépassaient loin au-dessus de ses yeux. Et pourtant… il n’était pas déplaisant à regarder. On avait chaud au cœur, on se sentait accueilli, quand il souriait.

« Abraham Lincoln de Springfield, à votre service, messieurs, salua-t-il.

— Et je suis Couz Johnston de Springfield, ajouta l’autre.

— Couz pour Cousin. Tout le monde l’appelle comme ça, expliqua Abraham.

— Maintenant, on m’appelle comme ça.

— Le cousin de qui ? demanda Arthur Stuart.

— Pas le mien, répondit Abraham. Mais il a une tête de cousin, vous ne trouvez pas ? C’est l’épitomé du cousinage, la quintessence de la cousiniférosité. Alors quand j’ai commencé à l’appeler Couz, ce n’était qu’une mise en forme de l’évidence.

— En fait, je suis le fils du premier mari de la deuxième femme de son père, expliqua Couz.

— Ce qui fait de nous des étrangers par alliance.

— Je vous suis particulièrement reconnaissant de nous avoir récupérés, expliqua Couz. Vous empêchez ainsi Abe de terminer l’histoire la plus atroce que j’aie jamais entendue.

— Ce n’était pas une fantaisie. Je l’ai apprise d’un certain Mot-pour-Mot. Il l’avait dans son livre, et il n’y écrit jamais rien qui ne soit vrai. »

Le Vieil Abe – qui ne pouvait pas avoir plus de trente ans – avait l’œil vif. Il vit le regard qu’échangèrent Arthur Stuart et Alvin.

« Vous le connaissez donc ? demanda Abe.

— Un homme de vérité, c’est exact. Quelle histoire vous a-t-il racontée ?

— Celle d’un enfant né il y a bien des années. Une histoire tragique d’un frère tué par un tronc d’arbre emporté par une rivière en crue, qui le frappa tandis qu’il sauvait sa mère, dans un chariot pris au milieu de la rivière, à donner le jour. Mais tout condamné qu’il était, il resta en vie assez longtemps dans la rivière pour que le bébé naisse septième fils d’un septième fils.

— Noble histoire. Je l’ai vue aussi dans son livre, assura Alvin.

— Et vous la croyez ?

— Oui.

— Je n’ai jamais dit qu’elle n’était pas vraie, tempéra Couz. Simplement que ce n’est pas le genre d’histoire qu’on veut entendre en dérivant sur une coquille de noix au milieu de la brume du Mizzippy. »

Abe Lincoln ignora la réflexion de son compagnon.

« J’expliquais donc à Couz que la rivière ne nous traitait pas si mal, par rapport à ce que ce ruisseau plus petit avait fait aux gens de cette histoire. Et à présent, vous voici, qui venez nous sauver. La rivière a été franchement généreuse pour nous, mauvais faiseurs de radeaux que nous sommes.

— Vous avez fait çui-ci vous-mêmes, alors ?

— Le gouvernail a cassé, expliqua Abe.

— Pas de rechange ?

— Je ne savais pas qu’il en faudrait une. Mais si nous étions arrivés à terre, j’aurais pu en faire un autre.

— Vous êtes adroit de vos mains ?

— Pas vraiment, reconnut Abe. Mais je suis prêt à recommencer jusqu’à ce que ce soit bien fait. »

Alvin rit.

« Eh bien, il est temps de recommencer ce radeau.

— Je serais ravi si vous pouviez m’indiquer nos erreurs. Je ne vois rien ici qui ne soit pas fait comme il faut.

— C’est ce qu’il y a sous le radeau qui manque. Ou plutôt, ce qu’il devrait y avoir et qui n’y est pas. Vous avez besoin d’une dérive à l’arrière, pour que l’arrière reste l’arrière. Et en plusse, vous l’avez trop chargé à l’avant, et du coup il est forcé d’tourner.

— Alors ça… Bien, c’est ma faute. Je ne dois pas être fait pour la navigation.

— Comme tout le monde ou presque. À part mon ami, m’sieur Bowie. Dès qu’il voit un bateau où il a une chance de ramer, il se jette dedans. »

Bowie eut un sourire crispé et opina du chef pour Abe et son compagnon. Le radeau était planté dans l’eau, et Alvin et Bowie avaient du mal à le faire avancer.

« Peut-être, proposa Arthur Stuart, pourriez-vous vous tenir à l’arrière du radeau, pour qu’il se relève un peu et ne soit pas si dur à tirer. »

Gênés, Abe et Couz obtempérèrent aussitôt. Et dans la brume, cela les rendait presque invisibles et étouffait les bruits qu’ils faisaient. Toute conversation devenait impossible.

Il fallut un moment pour rattraper le bateau, mais le pilote, étant un homme bon, avait ralenti, malgré la colère du capitaine Howard pour le temps perdu. Tout d’un coup, le brouillard s’effilocha et ils entendirent à côté d’eux la roue à aubes du Yazoo Queen.

« Alors ça, par ma barbe, cria Abe. C’est un bien beau bateau à vapeur que vous avez là.

— L’est pas à nous », répondit Alvin.

Arthur Stuart remarqua le peu de temps qu’il fallut à Bowie pour quitter la barque et retourner sur le pont, repoussant de ses haussements d’épaules les mains qui le claquaient dans le dos comme si c’était un héros. Arthur le comprenait. Mais c’était certain, même si Alvin lui avait fait peur sur l’eau, Bowie restait un danger pour eux.

Une fois l’annexe amarrée au Yazoo Queen et le radeau attaché à côté, il y eut toutes sortes de bavardages parmi les passagers. Notamment, comment ils s’étaient retrouvés dans le fameux brouillard du Mizzippy.

« Comme je vous l’avais dit, ils étaient tout près, mais il a quand même fallu les chercher. »

Abe Lincoln entendit cette histoire avec un sourire, et ne dit rien pour contredire son sauveur, mais il n’était pas idiot, Arthur Stuart le voyait bien. Il savait que le radeau n’avait jamais approché le bateau. Il savait aussi qu’Alvin était allé droit sur le radeau, comme s’il avait pu le voir.

Mais cela ne lui importait pas. En un rien de temps, il racontait à tout le monde à quel point il avait été mauvais dans la fabrication du radeau, et comme tous ces tournoiements leur avaient donné le vertige.

« Ça m’a tout emmêlé, et il nous a fallu à tous les deux une demi-journée pour comprendre comment détacher mes bras de mes jambes et sortir ma tête de sous mon aisselle. »

Ce n’était pas vraiment drôle, mais la façon dont il le racontait était désopilante. Même si elle n’avait aucune chance de finir dans le livre de Mot-pour-Mot.

 

*

 

Cette nuit-là, ils accostèrent dans une ville de rivière récente, et il y eut tant d’allées et venues sur le Yazoo Queen qu’Arthur Stuart abandonna son plan de libérer les vingt-cinq esclaves mexica.

Au lieu de cela, Alvin et lui assistèrent à une conférence donnée dans la salle à manger du bateau. L’orateur n’était autre que Cassius Marcellus Clay, le fameux orateur anti-esclavage, qui persistait dans sa folie militante en plein pays esclavagiste. Mais en l’écoutant, Arthur Stuart comprenait comment cet homme avait échappé à toutes représailles. Il ne dénonçait personne, ne qualifiait pas l’esclavage de péché immonde. Au lieu de cela, il parlait du mal que l’esclavage faisait aux propriétaires et à leur famille.

« Que gagne un homme à élever ses enfants en leur faisant croire qu’ils n’auront jamais à travailler ? Que se passera-t-il quand il sera vieux, et que ces enfants qui n’auront jamais appris à travailler dépenseront son argent sans penser au lendemain ?

« Et quand ces mêmes enfants auront vu leurs frères humains, aussi sombre que soit leur peau, traités avec dédain, leur travail méprisé et leur liberté refusée, hésiteront-ils à traiter leur père vieillissant comme une chose sans valeur, à jeter quand elle n’est plus utile ? Car, quand un être humain est traité comme un outil, pourquoi les enfants ne considéreraient-ils pas tous les humains selon leur utilité, à abandonner lorsqu’ils ne leur servent plus à rien ? »

Arthur Stuart avait entendu parler beaucoup d’abolitionnistes au fil des ans, mais celui-ci les surclassait tous. Au lieu de causer l’ire d’une foule d’esclavagistes qui auraient attendu de le plonger dans le goudron et les plumes, ou pire, il les avait tous fait réfléchir, et ils se regardaient les uns les autres, incertains, pensant sans doute à leurs propres enfants et au tas de parasites qu’ils étaient devenus.

Mais au final, Clay n’avait sans doute pas changé grand-chose. Que pourraient-ils faire, libérer leurs esclaves et déménager au nord ? Ce serait comme l’histoire dans la Bible, où Jésus avait dit au jeune riche : « Vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et suis-moi. » La richesse de ces hommes se mesurait en esclaves. Les abandonner, ce serait devenir pauvre. Ou au moins rejoindre le troupeau des hommes qui doivent payer ceux qu’ils emploient. Louer le dos d’un homme, pour ainsi dire, au lieu de le posséder. Aucun n’aurait le courage de le faire, du moins aucun de ceux qu’Arthur Stuart voyait.

Mais il remarqua qu’Abe Lincoln paraissait écouter très attentivement ce que disait Clay, les yeux brillants. Notamment quand Clay parla de ceux qui voulaient renvoyer tous ces esclaves en Afrique.

« Combien de vous seraient heureux qu’on vous renvoie en Angleterre, en Écosse, en Allemagne ou là d’où vos ancêtres sont venus ? Riches ou pauvres, libres ou non, nous sommes Américains, et les esclaves dont les grands-parents sont nés sur ce sol ne peuvent pas être renvoyés en Afrique, car ils n’y seraient pas plus à leur place qu’en Chine ou en Inde. »

Abe opina, et Arthur Stuart eut l’impression que jusqu’à ce moment, ce grand échalas avait cru que la solution au problème noir aurait été exactement celle-là, de les expédier en Afrique.

« Et les mulâtres ? Le Noir à la peau claire, qui possède autant de sang européen qu’africain ? Ces gens-là seront-ils coupés en deux pour qu’une partie s’en aille vers chacun de ses continents d’origine ? Certainement pas. Que cela nous plaise ou non, nous sommes tous liés ici, dans cette terre, sous le même joug. Quand vous asservissez un homme noir, vous vous asservissez également, car vous lui êtes aussi lié qu’il vous est lié, et votre caractère est façonné par sa servitude aussi sûrement que le sien. Rendez l’homme noir servile, et dans le même moment vous vous rendez tyrannique. Faites trembler l’homme noir de peur devant vous, et vous devenez un monstre terrifiant. Pensez-vous que vos enfants ne vous craindront pas eux aussi, en vous voyant dans cet état ? Vous ne pouvez pas porter un visage pour l’esclave et un autre pour votre famille, en espérant qu’on croira les deux pareillement. »

Quand la conférence fut finie, et avant qu’Arthur et Alvin se séparent pour se rendre à leurs quartiers respectifs, ils passèrent un moment ensemble accoudés au bastingage ; au-dessus du radeau.

« Comment peut-on entendre ce discours, demanda Arthur Stuart, et rentrer chez soi sans libérer ses esclaves ?

— Eh bien, déjà, moi je ne t’ai pas libéré.

— Parce que tu fais simplement semblant que je sois ton esclave.

— Alors je pourrais faire semblant de te libérer, pour donner l’exemple aux autres.

— Non, tu peux pas, protesta Arthur Stuart. Qu’esse que tu ferais de moi, après ? »

Alvin sourit et hocha la tête, et Arthur Stuart comprit.

« J’ai pas dit que ce serait facile, mais si tout l’monde le faisait…, insista le jeune homme.

— Mais tout le monde le f’ra pas, répondit Alvin. Alors ceux qui libèrent leurs esclaves deviennent soudain pauvres, tandis qu’les autres restent riches. Et qui a le pouvoir dans les États esclavagistes ? Ceux qui gardent les esclaves.

— Donc, c’est sans espoir.

— Il faut que ça arrive d’un coup, par décision de loi, et non petit à petit. Tant qu’y sera possible de posséder un esclave, les hommes méchants en tireront avantage. Il faut l’interdire tout à fait. C’est ça que j’arrive pas à expliquer à Peggy. En fin de compte, toute sa persuasion rime à rien, parce qu’au moment où quèqu’un arrête de posséder des esclaves, il perd tout poids auprès de ceux qui les ont gardés.

— Le congrès peut pas interdire l’esclavage dans les Colonies de la Couronne, et le Roi peut pas l’interdire aux États-Unis. Alors quoi qu’on fasse, il y aura un endroit avec des esclaves, et un endroit sans.

— Ça va être la guerre, dit Alvin. Tôt ou tard, les États libres en auront assez de l’esclavage, et les États esclavagistes en auront de plus en plus besoin, et donc y aura une révolution dans un camp ou dans l’autre. J’pense pas qu’y aura la liberté avant que le Roi tombe et que les Colonies de la Couronne soient devenues des États de l’Union.

— Ça peut pas arriver, soupira Arthur Stuart.

— Je pense que si. Mais ce s’ra un massacre. Pasque les gens combattent pus férocement que jamais quand ils cachent à tout le monde, y compris eux-mêmes, que leur cause est injuste. (Alvin cracha dans l’eau.) Va te coucher, Arthur Stuart. »

Mais Arthur n’arrivait pas à dormir. La présence de Cassius Clay sur le bateau avait mis les gens en émoi à la cale, et certains étaient en colère que Clay ait voulu culpabiliser les Blancs.

« Croyez-moi, commenta un gars du Kentucky. Quand ils se sentent coupables, la seule façon dont ils peuvent se rassurer, c’est de s’convaincre qu’on mérite d’être esclaves. Et si on mérite d’être esclaves, c’est qu’on est méchants, et donc qu’il faut nous punir tout le temps. »

Arthur Stuart trouvait tout cela un peu tarabiscoté, mais il n’était qu’un bébé quand sa mère l’avait emporté vers la liberté. Il ne pouvait pas vraiment argumenter quand on lui parlait de ce qu’était vraiment la servitude.

Même quand les choses se furent calmées, Arthur ne put s’endormir. Il finit par se lever et remonter en catimini jusqu’au pont.

La lune éclairait le paysage, sur la rive est, car le brouillard y était bas, et on voyait les étoiles.

Les vingt-cinq esclaves mexica dormaient sur le pont de poupe, et certains marmonnaient dans leur sommeil. Le garde aussi dormait.

Je voulais vous libérer ce soir, pensa Arthur. Mais ce serait trop long, maintenant. Je n’aurais jamais fini avant le matin.

Puis il se dit que ce n’était peut-être pas vrai. Il pouvait peut-être agir plus vite qu’il croyait.

Il s’assit donc dans une ombre et, après quelques faux départs, il fit entrer la chaîne de l’esclave le plus proche dans son esprit et commença à sentir le métal comme il l’avait fait pour la pièce. Il le ramollit comme il l’avait fait avec sa boucle de ceinture.

Le problème, c’est que le fer était plus épais et contenait plus de métal que la pièce ou la boucle. Le temps qu’il en ait ramolli un morceau, le précédent était redevenu dur, et ainsi de suite. Il se rappelait l’histoire que Peggy lui avait lue sur Sisyphe, qui en Hadès devait faire rouler une pierre au sommet d’une montagne. Mais pour chaque pas qu’il faisait en avant, il en reculait de deux tellement il glissait, et après toute une journée de travail, il était plus loin de la fin qu’à son début.

Puis il faillit se maudire tout haut d’être si bête.

Il n’avait pas besoin de tout ramollir. Ils n’allaient pas l’enlever comme une manche. Il suffisait de ramollir la charnière, là où le métal était plus fin et plus fragile.

Il essaya et vit que tout se passait bien, quand il comprit autre chose. L’axe avait disparu.

Il mit une chaîne après l’autre dans son esprit, et vit qu’elles étaient toutes pareilles. Les axes des charnières avaient tous disparu. Tous les esclaves étaient déjà libres.

Il se leva et alla se planter au milieu des esclaves.

Ils ne dormaient pas. Ils lui firent de petits signes pour lui dire de partir, de se cacher.

Alors il retourna dans l’ombre.

Comme sur un signal, ils ouvrirent tous leurs entraves et les posèrent délicatement sur le pont. Bien sûr, cela fit un peu de bruit, mais le garde ne bougea pas. Tout le bateau resta endormi.

Puis les Noirs se levèrent et passèrent par-dessus le bastingage opposé à la rive.

Ils vont se noyer. Personne ne leur a appris à nager ni laissé une occasion d’apprendre seuls. Ils allaient choisir la mort.

Si ce n’est qu’à la réflexion, Arthur n’entendit pas une seule éclaboussure.

Il se leva quand tous les esclaves eurent quitté le pont et alla regarder à un autre point du bastingage. Ils étaient bien passés par-dessus bord – tous regroupés sur le radeau. Et maintenant, ils chargeaient soigneusement les biens d’Abe Lincoln sur l’annexe. C’était une petite barque, mais c’était un petit chargement, aussi ne fallut-il pas longtemps.

Quelle différence, de ne pas voler les biens d’Abe ? Ils étaient de toutes façons des voleurs, puisqu’ils se volaient eux-mêmes en fuyant. En tout cas, c’était le principe légal. Comme si un homme, en étant libre, volait quelque chose à quelqu’un d’autre.

Ils s’allongèrent sur le radeau, tous les vingt-cinq, faisant une véritable pile humaine, et ceux des bords utilisèrent leurs bras comme pagaie pour s’éloigner dans le courant. Ils partaient dans la brume, vers le rivage de l’homme rouge.

Quelqu’un lui posa la main sur l’épaule, et il sursauta d’effroi.

C’était Alvin, bien sûr.

« Vaut mieux qu’on nous voye pas icitte. Descendons. »

Arthur Stuart le mena vers les quartiers des esclaves, et bientôt ils étaient en pleine conversation murmurée dans la cuisine, obscure à part la lanterne qu’Alvin faisait flamber au minimum.

« Je m’étais bien dit qu’tu trouverais un plan idiot comme çui-là.

— Et moi je pensais que tu les laisserais rester esclaves comme si ça ne te faisait rien, mais j’aurais dû savoir qu’non, répondit Arthur Stuart.

— J’pensais d’même, dit Alvin. Mais je connais pas si c’est les questions de Bowie, ou l’couteau qu’il a voulu me mettre dans la gorge – et non, Arthur Stuart, y s’était pas arrêté à temps. Pour un peu qu’y aurait eu une lame sur son couteau, il m’aurait égorgé. C’est peut-être la peur d’la mort qui m’a fait craindre de rencontrer Dieu en sachant que j’aurais pu libérer ces vingt-cinq esclaves et qu’j’avais décidé de pas le faire. Ou alors, c’était le sermon de M. Clay ce soir. Qui m’a converti tout d’un coup.

— Et converti m’sieur Lincoln, ajouta Arthur Stuart.

— Peut-être bien, dit Alvin. Mais on dirait pas que c’est l’genre d’homme à en posséder un autre.

— J’connais pourquoi t’étais obligé d’le faire.

— Et pourquoi ?

— Parce que tu connaissais qu’sans ça, j’le frais moi-même. »

Alvin haussa les épaules.

« Eh bien, j’connaissais que tu essaierais.

— J’aurais réussi.

— Très lentement.

— Ça marchait, une fois qu’j’ai eu compris qu’il fallait s’attaquer à la charnière.

— Sans doute. Mais la vraie raison pour laquelle j’ai choisi c’soir, c’est qu’on avait l’radeau. Un vrai présent du ciel, pas vrai ? Ç’aurait été dommage de pas l’utiliser.

— Qu’esse qui va leur arriver quand ils parviendront sur la rive de l’homme rouge ?

— Tenskwa-Tawa s’occupera d’eux. J’leur ai donné un cadeau à r’mettre au premier Rouge qu’ils verront. Çui-là les escortera jusqu’au Prophète, où qu’y s’trouve à c’t’heure. Et quand lui l’verra, il leur accordera le passage. Ou même il les laissera habiter là.

— Ou alors il aura besoin d’eux, pour combattre contre les Mexica, s’ils vont vers le nord.

— Peut-être.

— C’était quoi, c’cadeau ?

— Quèques objets comme celui-ci », dit Alvin.

Il montra un petit cube scintillant. On aurait cru la glace la plus pure au monde, ou du verre, mais le verre ne scintille pas.

Arthur Stuart prit l’objet en main et comprit de quoi il s’agissait.

« C’est de l’eau. Une boîte d’eau.

— Plutôt un cube d’eau. J’ai décidé de le faire aujourd’hui, sur la rivière, quand mon sang a failli y couler. C’est en partie comme ça que je les ai faits. Une petite partie de moi est entrée dans l’eau pour la rendre solide comme l’acier. Tu connais la loi : “Le Faiseur, c’est celui…

— Le Faiseur, c’est celui qui fait partie de ce qu’il crée”, acheva Arthur Stuart.

— Va dormir, dit Alvin. Personne doit savoir qu’on était d’bout ce soir. Je peux pas les faire dormir éternellement.

— J’peux l’garder ? J’ai l’impression que j’vois quèque chose dedans.

— On peut tout voir, dedans, si on regarde assez longtemps, confirma Alvin. Mais non, tu peux pas le garder. Si tu crois que ce que j’ai dans mon paquetage est précieux, imagine ce que donneraient des genses pour un cube d’eau qui leur procure des visions vraies de ce qui arrive ou qui arrivera, pour eux ou dans le monde. »

Arthur tendit la main et voulut rendre le cube à Alvin.

Mais au lieu de le prendre, Alvin sourit, et le cube redevint liquide, et s’écoula entre les doigts d’Arthur Stuart. Celui-ci regarda la petite flaque sur la table et se sentit plus abandonné que jamais.

« C’est que d’l’eau, le rassura Alvin.

— Et un peu d’sang.

— Nan, ça j’l’ai r’pris.

— Bonne nuit, dit Arthur Stuart. Et… merci d’les avoir libérés.

— Une fois qu’tu avais pris ta décision, j’avais pus l’choix. J’les ai r’gardés et j’me suis dit : Quèqu’un les a aimés autant qu’ta m’man t’a aimé. Elle est morte pour t’libérer. Moi, j’étais pas obligé d’en faire autant. Fallait juste que j’me fasse un peu violence, que j’me mette un peu en danger. Mais pas beaucoup.

— Mais t’as vu ce que j’ai fait, non ? Je l’ai amolli sans l’faire chauffer !

— Tas été bon, Arthur Stuart. On peut pas dire l’contraire, t’es un Faiseur.

— Pas un très bon.

— Chaque fois qu’on a deux Faiseurs, y en a toujours un qui l’est plusse que l’aut’. Mais pour éviter qu’y s’monte le bourrichon, faut toujours s’rappeler qu’on peut en trouver forcément un troisième qu’est meilleur qu’les deux premiers.

— Qui est meilleur que toi ? demanda Arthur Stuart.

— Toi. Parce qu’une once de compassion, ça vaudra toujours plusse qu’une livre de talent. Maintenant, va t’coucher. »

Alors, Arthur s’abandonna à la fatigue immense qui l’écrasait. Ce qui l’avait maintenu éveillé jusque-là avait disparu. Il arriva tout juste à sa couchette avant de s’endormir.

Oh, quel raffut il y eut, au matin ! Les soupçons allaient bon train. Certains pensaient qu’c’étaient les gars du radeau, sinon pourquoi les esclaves auraient laissé la cargaison ? Jusqu’à ce que quelqu’un fasse remarquer qu’s’ils l’y avaient pas laissée, c’te cargaison, il n’y aurait pas eu de place pour tous les évadés.

Puis les soupçons tombèrent sur le garde qui avait dormi, mais la plupart des gens savaient que c’était une erreur, puisque, s’il avait fait ça, il aurait aussi bien fait de s’enfuir avec eux, au lieu de rester à dormir sur le pont jusqu’à ce qu’un marin remarque les chaînes sans les esclaves.

Ce n’était que maintenant, une fois les esclaves disparus, que la propriété des esclaves devenait évidente. Alvin aurait pensé que m’sieur Travis était leur maître, mais le plusse livide de tous, c’était le capitaine Howard en personne. C’était étonnant. Néanmoins, ça expliquait pourquoi les hommes partis pour Mexico avaient choisi c’bateau pour descendre la rivière.

Mais à la surprise d’Alvin, Travis et Howard n’arrêtaient pas d’regarder Arthur Stuart et lui-même, comme s’y s’doutaient d’la vérité. Rien d’étonnant, finit-il par se dire. Si Bowie leur avait raconté ce qui était arrivé à son couteau sur le fleuve, ils se d’mandaient forcément si un homme avec un tel pouvoir sus l’fer pourrait pas faire disparaître tous les axes des m’nottes.

Lentement, la foule se dispersa. Mais pas l’capitaine Howard, ni Travis. Et quand Alvin et Arthur firent mine de partir, Howard se dirigea droit sur eux.

« J’veux vous causer, dit Howard d’un ton qui n’avait rien d’amical.

— De quoi ? demanda Alvin.

— D’votre boy. J’ai vu comment qu’y f’sait leurs seaux le matin. J’ai vu leur causer. Ça m’a bien rendu méfiant, dame, vu qu’y en avait pas un pour parler anglais.

— Pero todos hablaban español, expliqua Arthur Stuart.

— Ils parlaient tous l’espagnol ? s’étonna Travis, qui paraissait chagriné. Ah ! les sales menteurs. »

Ben voyons. Comme si les esclaves devaient la moindre honnêteté à leur propriétaire.

« C’t’une bonne confession, ça. Il a r’connu qu’y parlait leur langue et qu’y connaissait des choses que leur maître connaissait même pas. »

Alvin posa la main sur l’épaule d’Arthur en voyant que celui-ci allait protester, mais il ne l’empêcha pas de parler.

« Mon boy que v’là est tout juste après apprendre l’espagnol, expliqua Alvin. Alors pour sûr, l’a pris la première occasion qui passait pour pratiquer. À moinses que vous ayez une preuve qu’ces fers ont été ouverts avec un seau d’chambre, j’pense que vous pouvez l’oublier, c’garçon.

— Non, je ne pense pas qu’il ait ouvert les fers lui-même, concéda le capitaine Howard. M’est avis qu’y f’sait l’espion pour un autre, pour leur donner le plan pour les libérer.

— J’ai pas raconté d’plan », dit Arthur Stuart sur un ton courroucé.

Alvin resserra sa prise sur l’épaule du jeune homme. Aucun esclave noir n’aurait parlé de la sorte à un Blanc, et surtout pas à un capitaine de bateau.

Puis une autre voix s’éleva dans le dos de Travis et Howard.

« Allez, mon garçon, dit Bowie. Tu peux leur raconter. Plus la peine de faire des menteries. »

Et avec une sensation d’effroi, Alvin se demanda à quel feu d’artifice il devrait avoir recours pour détourner leur attention suffisamment longtemps pour qu’Arthur Stuart et lui puissent fuir.

Mais Bowie ne dit pas du tout ce à quoi Alvin s’était attendu.

« J’ai fait en sorte que l’gamin m’raconte c’que les esclaves lui avaient dit. Ils préparaient un terrib’ rituel mexica. Ils voulaient arracher l’cœur d’quèqu’un une nuit, pendant qu’y f’raient semblant d’être nos guides. Bande de traîtres, ceux-là, alors j’ai décidé qu’on s’en passerait bien.

— Vous avez décidé ? s’indigna le capitaine Howard. De quel droit avez-vous décidé ?

— Par sécurité, répondit Bowie. C’est vous qui m’avez nommé responsable des éclaireurs, et c’est c’que ceux-là d’vaient être. Mais c’était une idée bougrement idiote depuis le début. Pourquoi vous pensez qu’les Mexica les avaient laissés en un seul morceau, au lieu d’leur arracher l’cœur ? C’était un piège, depuis l’début. Mais on est pas tombés d’dans.

— Vous savez ce qu’ils ont coûté ? insista le capitaine Howard.

— À vous, rien », rappela Travis.

Cette remarque fit perdre au capitaine beaucoup de sa superbe.

« C’est une question d’principe. Les libérer, comme ça…

— Mais j’les ai pas libérés. J’les ai envoyés d’laut’ côté d’la rivière. À votre avis, qu’esse que les Rouges vont en faire ? Si même y passent le brouillard… »

Il y eut quelques autres grommellements, mais aussi des rires, et le sujet fut abandonné.

Dans sa cabine, Alvin attendit le retour de Bowie.

« Pourquoi ?

— Je t’avais bien dit que j’connaissais comment qu’on garde un s’cret, rappela Bowie. J’vous ai r’gardés faire, l’drôle et toi. J’dois dire, ça valait l’coup, d’voir comment vous les avez libérés sans même les toucher. J’pensais pas voir un jour un talent pareil. Ça, t’es bien un F’seur.

— Alors viens avez moi, dit Alvin. Quitte ces hommes. Tu connais donc pas l’danger qu’ils courent ? Les Mexica sont pas idiots. Tu voyages avec des morts.

— Possib’. Mais ils ont b’soin de c’que j’sais faire, et pas toi.

— Si. Parce que j’connais pas combien d’genses sont capab’ de m’cacher leur flamme de vie. C’est ça, ton talent, hein ? Disparaître à la vue d’tous, quand tu veux. Parce que j’t’ai pas vu nous r’garder, hier soir.

— Et pourtant, j’t’ai réveillé rien qu’en tendant la main vers ton paquetage, l’autre nuit.

— En tendant la main ? Ou en l’remettant en place ? » Bowie haussa les épaules.

« Je te remercie d’nous avoir protégés en portant l’chapeau. »

Bowie gloussa.

« C’était un tout p’tit chapeau. En fait, Travis commençait à en avoir assez de tout c’qui fallait faire pour prendre soin des moricauds. C’est Howard qu’insistait pour les garder, et y vient même pas avec nous, une fois qu’y nous pose sus la côte.

— J’pourrais t’apprendre. Comme Arthur Stuart apprend.

— J’pense pas, dit Bowie. Comme t’as dit, on est pas des hommes pareils.

— Pas si différents pour qu’tu puisses pas changer si l’envie t’prenait. »

Bowie secoua la tête.

« Bon. Alors j’vais t’remercier d’la seule façon qui t’s’ras utile », proposa Alvin.

Bowie attendit.

« Eh ben ?

— J’viens d’le faire, expliqua Alvin. J’te l’ai r’mise. »

Bowie toucha le fourreau à son côté. Il n’était pas vide. Il tira son couteau. La lame était là, comme avant, tout à fait identique.

Bowie tenait son arme comme un enfant perdu depuis longtemps.

« Comment qu’t’as r’mis la lame ? demanda-t-il. Tu y as même pas touché.

— Elle était là d’puis l’début. J’l’avais juste un peu étalée.

— Pour que j’puisse pas la voir ?

— Et qu’elle coupe pus.

— Mais maintenant, elle coupe ?

— M’est avis qu’tu vas mourir, quand tu t’battras contre les Mexica. Mais j’veux qu’t’emmène des sacrifieurs avec toi avant ça.

— Promis. Sauf pour la partie où j’meurs.

— J’espère que t’as raison et qu’j’me trompe, m’sieur Bowie.

— Et j’espère que tu vivras pour toujours, Alvin le Faiseur », répondit le Tueur au couteau.

Ce matin-là, Alvin et Arthur Stuart débarquèrent, ainsi qu’Abe Lincoln et Couz, et ils descendirent ensemble vers Nueva Barcelona, tous les quatre, échangeant des anecdotes impossibles tout du long. Mais c’est une autre histoire…

La Cité de Cristal
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